En ce début des 70’s, le monde du rock est en deuil. Il a récemment perdu trois de ses plus illustres représentants : Janis, Jimi et Jim. Les Beatles ont implosés et les Stones cherchent un second souffle sans leur mythique chaman, Brian Jones. Et c’est au milieu de cette torpeur générale que quatre kids de Détroit vont réinventer un genre divin, en tentant paradoxalement de faire le plus de bruit possible.
Ron Asheton s’emploie donc à cisailler des riffs rugueux et dégoulinants de méchanceté. Son frangin, Scott, en profite pour martyriser ses fûts au moyen d’un jeu lourd et primitif, proche d’un Bonham ou d’un Moon. Dave Alexander lance de sombres et lourdes décharges de basse, courant le long de l’échine et sonnant comme le largage d’un B-52 (écoutez donc « Dirt »). Iggy, quand à lui, dirige à la baguette ses droogies : ses cris hystériques, savamment disposés, rythment parfaitement la rondelle.
Et, c’est parti pour quarante minutes intenses d’ultra violence. L’opus sent le pneu cramé et l’alcool frelaté. Kubrick semblerai presque s’en être inspiré pour son « Orange Mécanique ». Les Stooges sont-ils les Beethoven du XXème siècle ? On en conviendra que la lourdeur et le pessimisme de leur musique s’en rapproche. « L.A Blues », plus de 35 ans après reste inécoutable à jeun. Les riffs font mouche dès la première écoute : « 1970 », « Dirt », « Loose »…La défonce est partout dans l’album.
Néanmoins, avant d’être une œuvre d’une forte puissance cathartique, « Fun House » révèle d’abord un état d’esprit, sorte de coup de pied au cul, d’un rock qui avait de plus en plus tendance à s’intellectualiser avec l’émergence du mouvement « prog ». Les Stooges, c’est : « Fuck that shit, we don’t care » (Loose).
Ceux qui pensaient que le punk était né en Angleterre avec les Pistols, écoutez donc “Fun House” et délectez vous de cette ultra violence typiquement américaine.
Welcome to the Fun house.